La sclérose en plaques (SEP) est une maladie neurologique complexe qui peut être difficile à diagnostiquer en raison de la variété de ses symptômes. De nombreuses autres affections présentent des manifestations cliniques similaires, ce qui peut mener à des erreurs de diagnostic. Comprendre ces pathologies « mimiques » est essentiel pour les neurologues et les patients, afin d’assurer une prise en charge adaptée et éviter des traitements inadéquats. Dans cet article, nous examinerons en détail les principales maladies pouvant être confondues avec la SEP, leurs caractéristiques distinctives et les méthodes permettant d’affiner le diagnostic différentiel.

Diagnostic différentiel de la sclérose en plaques

Le diagnostic de la sclérose en plaques repose sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques et biologiques. Cependant, de nombreuses pathologies peuvent imiter ses symptômes, rendant le diagnostic différentiel complexe. Les neurologues doivent être particulièrement vigilants face à certains signaux d’alerte qui peuvent orienter vers une autre maladie.

Parmi les éléments clés à considérer, on trouve l’âge d’apparition des symptômes, leur évolution dans le temps, la localisation des lésions à l’IRM, et la présence d’anomalies biologiques spécifiques. Une anamnèse détaillée et un examen clinique approfondi sont essentiels pour détecter des signes atypiques qui pourraient remettre en question le diagnostic de SEP.

Il est important de noter que certains patients peuvent présenter des syndromes cliniquement isolés (SCI), qui sont des épisodes neurologiques évocateurs de SEP mais ne remplissant pas tous les critères diagnostiques. Ces cas nécessitent un suivi attentif pour déterminer s’il s’agit des prémices d’une SEP ou d’une autre pathologie.

Maladies auto-immunes mimant la SEP

Plusieurs maladies auto-immunes systémiques peuvent affecter le système nerveux central et présenter des symptômes similaires à ceux de la SEP. Ces pathologies ont en commun avec la SEP leur caractère inflammatoire et leur tendance à évoluer par poussées, ce qui peut compliquer le diagnostic différentiel.

Lupus érythémateux disséminé et atteintes neurologiques

Le lupus érythémateux disséminé (LED) est une maladie auto-immune qui peut toucher de nombreux organes, y compris le système nerveux. Les manifestations neurologiques du lupus, appelées neurolupus , peuvent ressembler à celles de la SEP. On peut observer des troubles cognitifs, des convulsions, des neuropathies périphériques ou encore des myélites transverses.

La distinction entre le LED et la SEP repose sur plusieurs éléments :

  • La présence d’atteintes extra-neurologiques dans le LED (cutanées, articulaires, rénales)
  • Des anomalies biologiques spécifiques (anticorps anti-DNA, complément bas)
  • Des lésions IRM différentes, souvent plus diffuses dans le LED

Le diagnostic différentiel peut être particulièrement difficile dans les formes de LED à prédominance neurologique. Une collaboration étroite entre neurologues et internistes est souvent nécessaire pour établir le bon diagnostic.

Syndrome de sjögren et manifestations du système nerveux central

Le syndrome de Sjögren est une maladie auto-immune caractérisée principalement par une sécheresse des muqueuses. Cependant, dans 20 à 25% des cas, on observe des atteintes du système nerveux central qui peuvent mimer une SEP. Ces manifestations incluent des troubles cognitifs, des névrites optiques ou des myélites.

Pour différencier le syndrome de Sjögren de la SEP, on s’appuiera sur :

  • La présence de symptômes glandulaires (sécheresse buccale et oculaire)
  • La détection d’anticorps spécifiques (anti-SSA et anti-SSB)
  • La réalisation d’une biopsie des glandes salivaires accessoires

Il est important de noter que certains patients peuvent présenter un syndrome de chevauchement , associant à la fois un syndrome de Sjögren et une SEP, ce qui complique encore le diagnostic et la prise en charge.

Sarcoïdose neurosarcoïdose et lésions démyélinisantes

La sarcoïdose est une maladie inflammatoire multisystémique qui peut affecter le système nerveux dans 5 à 10% des cas, on parle alors de neurosarcoïdose. Les manifestations neurologiques peuvent être très variées et inclure des atteintes des nerfs crâniens, des méningites chroniques ou des lésions parenchymateuses cérébrales.

La neurosarcoïdose peut être confondue avec la SEP en raison de :

  • La présence de lésions cérébrales multifocales à l’IRM
  • L’évolution par poussées-rémissions
  • L’atteinte possible du nerf optique ou de la moelle épinière

Le diagnostic de neurosarcoïdose repose sur la mise en évidence d’une atteinte systémique (pulmonaire notamment) et sur des examens complémentaires tels que le dosage de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ou la réalisation d’une biopsie tissulaire montrant des granulomes non caséeux.

Maladie de behçet et atteintes du SNC

La maladie de Behçet est une vascularite systémique qui peut toucher le système nerveux central dans 5 à 10% des cas. Les manifestations neurologiques, appelées neuro-Behçet , peuvent ressembler à celles de la SEP, avec des troubles cognitifs, des atteintes du tronc cérébral ou des lésions médullaires.

Le diagnostic différentiel avec la SEP s’appuie sur :

  • La présence de signes extra-neurologiques (aphtes buccaux et génitaux, uvéite)
  • Des lésions IRM souvent plus volumineuses et avec un aspect de nécrose
  • L’absence habituelle de bandes oligoclonales dans le liquide céphalo-rachidien

La maladie de Behçet est plus fréquente dans certaines populations (pourtour méditerranéen, Moyen-Orient), ce qui peut orienter le diagnostic dans certains contextes ethniques.

Pathologies inflammatoires du système nerveux central

Outre les maladies auto-immunes systémiques, il existe des pathologies inflammatoires touchant spécifiquement le système nerveux central qui peuvent être confondues avec la SEP. Ces affections partagent souvent des mécanismes physiopathologiques proches, ce qui explique la similarité de leurs présentations cliniques.

Neuromyélite optique de devic (NMO) et son spectre

La neuromyélite optique, également appelée maladie de Devic, est une pathologie inflammatoire démyélinisante du système nerveux central qui a longtemps été considérée comme une variante de la SEP. Aujourd’hui, on sait qu’il s’agit d’une entité distincte, caractérisée par la présence d’anticorps anti-aquaporine 4 (AQP4) dans 60 à 80% des cas.

Les principales caractéristiques de la NMO sont :

  • Des atteintes sévères du nerf optique et de la moelle épinière
  • Des lésions médullaires étendues sur plus de 3 segments vertébraux
  • Une évolution souvent plus agressive que la SEP classique

Le diagnostic de NMO repose sur la détection des anticorps anti-AQP4, mais il existe des formes séronégatives. Dans ces cas, l’IRM et l’évolution clinique jouent un rôle crucial dans le diagnostic différentiel avec la SEP.

Encéphalomyélite aiguë disséminée (ADEM)

L’encéphalomyélite aiguë disséminée est une affection inflammatoire démyélinisante du système nerveux central, souvent post-infectieuse ou post-vaccinale. Elle touche principalement les enfants et les jeunes adultes. L’ADEM peut être confondue avec un premier épisode de SEP, notamment dans sa forme multifocale.

Les éléments distinctifs de l’ADEM comprennent :

  • Un début souvent brutal avec des signes d’encéphalopathie
  • Des lésions IRM plus diffuses et souvent bilatérales
  • Une évolution généralement monophasique avec récupération complète

Le suivi à long terme est essentiel car certains patients initialement diagnostiqués avec une ADEM développeront ultérieurement une SEP.

Vascularites du système nerveux central

Les vascularites du système nerveux central regroupent un ensemble d’affections inflammatoires touchant les vaisseaux cérébraux. Elles peuvent être primitives ou secondaires à une maladie systémique. Leurs manifestations cliniques sont très variées et peuvent mimer celles de la SEP.

Le diagnostic différentiel avec la SEP s’appuie sur :

  • La présence de céphalées souvent sévères et persistantes
  • Des anomalies de l’angiographie cérébrale
  • Des signes biologiques d’inflammation systémique

Dans certains cas, une biopsie cérébro-méningée peut être nécessaire pour confirmer le diagnostic de vascularite et exclure une SEP.

Maladies infectieuses confondues avec la SEP

Certaines infections du système nerveux central peuvent produire des symptômes et des anomalies radiologiques similaires à ceux de la SEP. Il est crucial de les identifier rapidement car leur prise en charge diffère radicalement de celle de la SEP.

Maladie de lyme neuroborréliose

La maladie de Lyme, causée par la bactérie Borrelia burgdorferi , peut atteindre le système nerveux et provoquer une neuroborréliose. Cette forme neurologique peut se manifester par des symptômes proches de ceux de la SEP, tels que des troubles sensitifs, moteurs ou cognitifs.

Le diagnostic de neuroborréliose repose sur :

  • La notion d’une exposition aux tiques en zone endémique
  • La détection d’anticorps anti-Borrelia dans le sang et le LCR
  • La présence d’une pléiocytose lymphocytaire dans le LCR

Il est important de noter que les tests sérologiques peuvent être négatifs au début de l’infection, nécessitant parfois un contrôle à distance.

Neurosyphilis et ses manifestations neurologiques

La syphilis, bien que moins fréquente aujourd’hui, reste une cause possible de manifestations neurologiques pouvant mimer une SEP. La neurosyphilis peut se présenter sous diverses formes, incluant des troubles cognitifs, des atteintes des nerfs crâniens ou des myélites.

Le diagnostic de neurosyphilis s’appuie sur :

  • La positivité des tests sérologiques (TPHA, VDRL)
  • L’analyse du LCR montrant une pléiocytose et une hyperprotéinorachie
  • La réponse rapide au traitement antibiotique

Il est crucial d’évoquer ce diagnostic devant toute symptomatologie neurologique atypique, même en l’absence de facteurs de risque évidents.

Leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP)

La leucoencéphalopathie multifocale progressive est une infection opportuniste du système nerveux central causée par le virus JC. Elle survient principalement chez les patients immunodéprimés, mais peut aussi compliquer certains traitements immunosuppresseurs utilisés dans la SEP.

Les caractéristiques de la LEMP incluent :

  • Une progression rapide des symptômes neurologiques
  • Des lésions IRM typiques, souvent asymétriques et sans effet de masse
  • La détection de l’ADN du virus JC dans le LCR

Le diagnostic précoce de LEMP est crucial car l’arrêt du traitement immunosuppresseur peut permettre une stabilisation voire une amélioration de l’état neurologique.

Troubles métaboliques et carentiels similaires à la SEP

Certains troubles métaboliques ou carentiels peuvent produire des symptômes neurologiques et des anomalies à l’IRM qui ressemblent à ceux de la SEP. Ces pathologies sont importantes à reconnaître car elles sont souvent réversibles avec un traitement approprié.

Carence en vitamine B12 et syndrome de sclérose combinée

La carence en vitamine B12 peut entraîner une démyélinisation du système nerveux central, notamment au niveau de la moelle épinière, provoquant un syndrome de sclérose combinée. Les symptômes peuvent inclure des paresthésies, des troubles de la marche et des déficits cognitifs, similaires à ceux observés dans la SEP.

Le diagnostic repose sur :

  • Le dosage sanguin de la vitamine B12 et de l’homocystéine
  • La présence d’une anémie macrocytaire (pas toujours présente)
  • Des anomalies IRM de la moelle épinière, souvent symétriques

La supplémentation en vitamine B12 permet généralement une amélioration rapide des sympt

ômes.

Leucodystrophies adultes et leurs présentations cliniques

Les leucodystrophies sont un groupe de maladies génétiques affectant la substance blanche du système nerveux central. Bien que souvent diagnostiquées dans l’enfance, certaines formes peuvent se manifester à l’âge adulte avec des symptômes proches de ceux de la SEP.

Parmi les leucodystrophies de l’adulte, on trouve :

  • L’adrénoleucodystrophie liée à l’X
  • La leucodystrophie métachromatique
  • La maladie de Krabbe

Le diagnostic repose sur l’imagerie cérébrale, qui montre des anomalies de la substance blanche souvent symétriques et diffuses, ainsi que sur des tests génétiques spécifiques. L’évolution est généralement plus progressive que dans la SEP, sans les poussées-rémissions caractéristiques.

Maladie de fabry et ses atteintes neurologiques

La maladie de Fabry est une maladie lysosomale rare qui peut affecter le système nerveux central et périphérique. Ses manifestations neurologiques peuvent parfois être confondues avec celles de la SEP, notamment chez les femmes hétérozygotes qui présentent des formes plus frustes de la maladie.

Les signes évocateurs de la maladie de Fabry incluent :

  • Des acroparesthésies douloureuses
  • Une intolérance à la chaleur et à l’effort
  • Des accidents vasculaires cérébraux précoces
  • Des lésions IRM cérébrales particulières (dolichoectasies des artères basilaires)

Le diagnostic repose sur le dosage de l’activité enzymatique de l’alpha-galactosidase A et sur l’analyse génétique du gène GLA. Un traitement enzymatique substitutif est disponible et peut stabiliser l’évolution de la maladie.

Techniques d’imagerie et biomarqueurs pour le diagnostic différentiel

Face à la complexité du diagnostic différentiel de la SEP, les techniques d’imagerie avancées et les biomarqueurs jouent un rôle croissant. Ces outils permettent non seulement de confirmer le diagnostic de SEP mais aussi d’exclure les pathologies mimiques.

IRM cérébrale et médullaire : critères de Barkhof-Tintoré

L’IRM reste l’examen de référence pour le diagnostic de la SEP. Les critères de Barkhof-Tintoré, intégrés dans les critères diagnostiques de McDonald, permettent d’évaluer la dissémination spatiale et temporelle des lésions caractéristiques de la SEP.

Ces critères incluent :

  • Au moins 1 lésion rehaussée par le gadolinium ou 9 lésions T2 hyperintenses
  • Au moins 1 lésion sous-tentorielle
  • Au moins 1 lésion juxta-corticale
  • Au moins 3 lésions périventriculaires

Cependant, il est important de noter que ces critères ne sont pas spécifiques de la SEP et peuvent se retrouver dans d’autres pathologies inflammatoires ou vasculaires du SNC. L’interprétation doit toujours se faire en corrélation avec la clinique.

Analyse du liquide céphalo-rachidien : bandes oligoclonales

L’analyse du liquide céphalo-rachidien (LCR) reste un élément important du diagnostic de la SEP. La présence de bandes oligoclonales (BOC) témoigne d’une synthèse intrathécale d’immunoglobulines et est retrouvée dans environ 90% des cas de SEP.

Cependant, les BOC ne sont pas spécifiques de la SEP et peuvent être observées dans d’autres pathologies inflammatoires ou infectieuses du SNC. Leur absence n’exclut pas formellement le diagnostic de SEP, mais doit faire rechercher des diagnostics alternatifs.

Potentiels évoqués visuels, auditifs et somesthésiques

Les potentiels évoqués (PE) permettent d’évaluer la conduction des voies nerveuses et peuvent mettre en évidence des lésions infracliniques. Ils sont particulièrement utiles pour démontrer une dissémination spatiale des lésions.

Dans la SEP, on observe typiquement :

  • Un allongement de la latence P100 aux PE visuels
  • Une augmentation des latences centrales aux PE somesthésiques
  • Des anomalies des PE auditifs du tronc cérébral

Les PE peuvent être normaux dans d’autres pathologies mimant la SEP, ce qui peut aider au diagnostic différentiel. Cependant, leur normalité n’exclut pas le diagnostic de SEP.

Nouveaux biomarqueurs sériques et du LCR : NfL, GFAP, CHI3L1

La recherche de nouveaux biomarqueurs pour le diagnostic et le suivi de la SEP est un domaine en pleine expansion. Parmi les marqueurs les plus prometteurs, on trouve :

  • Les neurofilaments légers (NfL) : marqueurs de dégénérescence axonale
  • La protéine acide fibrillaire gliale (GFAP) : marqueur d’activation astrocytaire
  • La chitinase 3-like 1 (CHI3L1) : marqueur d’inflammation

Ces biomarqueurs, dosés dans le sang ou le LCR, pourraient permettre un diagnostic plus précoce de la SEP, une meilleure différenciation avec les pathologies mimiques, et un suivi plus précis de l’activité de la maladie. Cependant, leur utilisation en pratique clinique courante nécessite encore une standardisation des techniques de dosage et une validation à grande échelle.